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Epicurisme autour du pressé de boeuf

Julien Fournier

Depuis plus de deux ans maintenant, je me régale à partager mon itinérance boulimique de façon hebdomadaire. Et croyez-moi mes zoulous, j’y prends un plaisir aussi fantasmagorique que déambuler dans le désert pour un dromadaire. Cet espace de convivialité pour lecteurs affamés me permet surtout de faire de coquines rencontres et d’explorer des terres inconnues. Dieu soit loué, je ne suis pas obligé d’y partir avec Frédéric Lopez. L’homme étant plus mielleux qu’une abeille. Ainsi, l’autre soir, j’étais invité à un rassemblement de gourmands en qualité de trublion du clavier. Mazette, la pression était nulle mais la soirée promettait quelques verres de bulles. La sauterie calorique était organisée par une radio locale, dont j’utiliserai le micro à la rentrée pour me perdre sur le chemin de ma dalle. Inutile d’être Grand Corps Malade pour se comporter dignement devant une longueur sonore, j’avais déjà accepté ma mission avec bonheur et je comptais faire de mes passages, pour vous, une mine d’or. Quelques chefs côtoyaient ce soir-là des chroniqueurs, qui eux-mêmes léchaient de près des bloggeurs qui n’étaient en rien des affabulateurs. Le rendez-vous était donné dans une auberge de la ville d’Anglet, qui était aux mains d’un Chilien à tablier. Vous connaissez le Chili vous ?

L’asticot tenancier, avec son accent venu de la cordillère des Andes, a le gabarit d’un loustic pour ne pas se faire chatouiller la guirlande. Aussi épais qu’un canapé douillé, il promettait pourtant une gamelle tendre. Après m’avoir broyé la main en signe d’hospitalité, le compatriote d’Ivan Zamorano allait se cloîtrer dans sa cuisine tant aimée. Le chenapan avait du pain sur la planche pour faire becqueter une vingtaine de convives qui attendaient avec des ventres gargouillés. Pendant ce temps-là, l’assemblée choisissait son menu qui allait la combler. J’optais pour un Salmorejo puis un pressé de bœuf, avant de finir avec une verrine chocolat. Vous connaissez mon goût pour la légèreté… Je priais juste pour que l’empressement du bovin ne m’empêche pas de le croiser, puis de le gobichonner. À table !

Mon dîner était entamé par l’absorption de ma soupe froide venue de la région de Cordoue en Andalousie. Des francs coups de cuillère pénétraient la crème ocre, sans qu’elle puisse porter plainte pour violence en bande ogr…anisée. Les chalands me faisant face, comprenaient alors mon appétit tenace pour la bouffetance ayant du sens. À peine le temps de débattre sur les bonnes adresses de nos respectifs cantons, que le plat voyageait jusqu’à sous mon menton. Que ce majestueux animal baignant dans son jus, me regardait avec des yeux de « S’il te plaît, mâche-moi ! Je n’en peux plus ». La présentation alléchante faisait ressortir la poésie dont était remplie notre ami sud-américain. La viande hébergeait en effet sur son toit, un jardin me laissant en émoi. Je me sentais responsable d’espaces verts, et compétent pour m’occuper de ce printemps.

Diable, la bête s’effiloche dans ma bouche aussi facilement que La Fontaine écrit des Fables. Chaque bouchée se devait d’être humectée par une délicieuse purée maison, à nous procurer des sincères frissons. Je n’ai même pas la prétention de parler de cuisson, tant la maîtrise était de mise. Le mélange des saveurs procurait délectation, et indiquait de s’en flanquer plein la caouanne. « Mets tout dans le bec » disait à l’époque Strauss-Kahn. Les polissonnes noisettes torréfiées apportaient un supplément d’âme que même un âne apprécierait ! Le twist ne se danse pas seulement, il peut aussi se mitonner avec idée. Bravo chef ! Ce soir, ce n’était heureusement pas le régime de pignocher. La copie était copieuse et exquise.

Mon épilogue chocolaté croûté avec plus ou moins de désir, il était bientôt l’heure de rentrer s’assoupir. La vie est douce lorsqu’elle est partagée avec des gens de qualité, autour d’une passion commune comme la convivialité. Il n’y avait aucune triche au bout de la fourchette de ces silhouettes plus ou moins fluettes. Leur promettant de faire le show au micro, je n’oubliais pas de saluer l’artiste de la soirée, pour ce moment alternant divinement le chaud et le froid. Javier, viva Chile y le bœuf pressé !

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