J’aime monter à Paris seul. Seul, afin de jouir de chaque moment que j’ai choisi, des quelques endroits qui sont pour moi favoris. J’assume totalement, et de plus en plus, ces escapades solitaires, dans lesquelles le moteur s’appelle simplement l’appel de son cœur. Divaguer, imaginer, et surtout se restaurer. Alors oui mes asticots, j’avais un but important à mon pèlerinage vers la capitale, puisque j’enregistrais un podcast emballant, et j’en profitais pour soutenir l’agriculture lors de son salon. D’ailleurs, je me demande toujours si la coquine truffade que je me suis enfilée dans la sacoche a véritablement aidé la cause, ou si la bière tourbée normande que j’ai lichée à coup de grandes gorgées n’a pas plus noyé la condition de ses héros de peu de proses. Bref, le dernier samedi de la grande messe paysanne fut convivial, dans un pavillon des producteurs où les sourires n’étaient que passion.
Mon train était arrivé quelques jours avant l’événement, puisque je foulais les trottoirs de la capitale dès jeudi matin. Le ciel était aussi bleu qu’un costume de Michou, et les roulettes de ma valise épousaient harmonieusement le bitume de la porte de Saint-Cloud. J’y allais pour récupérer les clés de mon logement, puis pour me sustenter indéniablement. Confortablement assis dans une alléchante brasserie, mon portable vibra subitement pour me rappeler mes engagements. L’émetteur était un petit galopin, qui écrit plus souvent pour vous dire qu’il a du cochon, plutôt que pour savoir si vous avez reçu l’extrême-onction. Le bougre me promettait tout de même une extrême action, par le biais de sa popoterie spécialisée dans la viande. Je lui coupais subitement la parole pour confirmer ma présence à cette aguichante danse. Demande à Jésus s’il veut rentrer dans la crèche… Allons-y mes amours !
Je devais me présenter dans le troisième arrondissement assez tôt, afin de prendre le pouls des animaux que nous allions célébrer au barbecue. J’avais une lecture différente de la chose, à savoir que l’embuscade n’allait pas être morose. Ne nous mentons pas, s’afficher avant vingt heures dans la taverne d’un ami garantit un apéritif fait de ferveur. Diable, les bestioles trônaient sur le comptoir accueillant, avec un bœuf, un canard et un goret qui allait s’amuser à titiller les flammes de près. Le tenancier m’avait fait miroiter une cuisson en deux temps, dont l’épilogue serait un lit de cendre, pour nos rêves tendres. Je lui apportais une confiance absolue, lui rétorquant que la flamme de l’amour est bien plus difficile à entretenir que celle chauffant un morceau de désir. Nous avions le point commun avec le porc de venir du même coin. La différence résidait dans nos oreilles, qui elles, ne descendaient pas jusqu’à nos groins. La barbaque basque à pie noire offrait une chair savoureuse, que la flambée divine magnifiait avec bonheur. Il fallait le voir le gredin marmiton ! Sa symphonie en plusieurs temps aurait laissé Beethoven en cessation. D’abord saisi, puis reposé, notre souper pouvait voyager dans les tréfonds de notre gaieté. Très succinctement, mais terriblement amoureusement ! Nom d’une pipe en bois d’acajou, même un câlin de Casimir ne pourrait pas autant nous attendrir.
C’était une expérience, pas un simple dîner que j’avais constaté. Il y avait de la chaleur, de l’humain, pas d’egos malsains. Le lendemain, avec mon hôte, nous nous appelions pour réunir nos intelligences afin de connaître l’heure de mon départ. « Inutile de s’affoler, mais sache que j’avais une allure moins svelte que celle d’un guépard » lui rétorquais-je.
Merci pour ce moment.
