Quel coquin moment ai-je encore passé jeudi dernier. C’était comme j’affectionnais, gourmand à souhait et un peu gras comme il fallait. Ma proposition était riche de sens, puisqu’elle comportait une multitude de textures à rousiquer. Je ne savais même plus où donner du dentier, malgré que ma vision était à croquer. Évidemment, je ne vais pas mettre l’accent sur ma présence côté sud du Pays basque, vous commencez à connaître mon appétence pour la vie menée de l’autre côté. Mon compagnon de graine, lui aussi a acquiescé volontiers à mon idée d’aller nous restaurer chez nos voisins ibériques. Comme dirait mon ami compréhensif, il n’a pas voulu me mettre des lardons dans les roues. Fantastique !
Le temps gris de ce jour-là n’avait en rien coupé notre appétit de Gargantua. Au contraire même, les timides Celsius provoquaient dans nos organismes une folle envie de ranimer nos maussades cheminées. Nous étions, mon sapajou et moi, sur la même longueur d’onde afin de nous rassasier de fécules de joie. Lorsque le luron, pas l’humoriste, mon ami, me demandait où se restaurer, la responsabilité me fit sentir vivant. J’aime avoir le poids du poids de mes camarades sur les épaules. Je suis le chien truffier qui convoie les âmes affamées vers les repères réconfortants. Suis-moi mon berbère, c’est le moment.
Mon dévolu s’était jeté sur une adresse ne payant pas de mine, mais dont la qualité n’est en rien anodine. Entre ces murs de convivialité se trouvait en effet une généreuse carte de plats combinés. Hé oui Messieurs les montagnards, il n’y a pas que le ski qui peut l’être ! Nous nous avancions donc vers un manger d’une belle sincérité, dont le voisinage de différents mets ne demandait qu’à se mélanger. La partouze culinaire n’allait pas être loin, pour le plus grand plaisir de mon partenaire qui, je sais, est un énorme porcelet. Vous me direz, à la vue du personnel, il vaut des fois mieux lécher son écuelle. Attendez, on vient nous prendre la commande.
Nous n’avions fait aucun détail quant au choix de nos déjeuners. Le chaland m’accompagnant au téléphone, il me léguait la compétence d’épouser ma volonté, qui sera sienne. Nous partions donc sur deux assiettes garnies de jambon, œufs, croquette, piquillos et frites. Malheureusement, il n’y avait plus de place pour l’herbe décorative. En étant honnête avec vous, c’était pour nous tout sauf une peine incompressive. Lorsque nos gamelles arrivaient devant nos museaux de goret, une émotion nous frappait instantanément tel Fabrice Tiozzo et son crochet. Ici, c’est la beauté qui nous foudroyait.
La translucidité du cochon était une perception de jouissance, qui augurait un coït en bouche avec finition sans élégance. Et que dire de ces deux œufs, dont les éruptions allaient nous rendre heureux. J’ai bien vu dans les yeux de mon complice qu’il était impatient de tremper la mouillette. La dernière fois que je l’ai vu comme cela, c’était en plein quartier rouge d’Amsterdam. Bien entendu à mon grand dam… Tiens tiens, que cache cette sphère frite, aussi mystérieuse qu’iconique. Je m’imaginais déjà tremper ma frite dans l’onctueuse béchamel dont regorgeait mon kinder surprise. Avez-vous déjà croqué dans une morue ? Remarquez cela ne me regarde pas. Mais croyez-moi, c’est moins effrayant que ce que l’on pourrait penser naïvement. La croquette se tenait dignement, avec comme manteau une chapelure qui lui tenait chaud. Contrairement aux testicules, cela ne se gobe pas, mais comme les testicules, cela se masse avec les doigts. Amen.
Nos panses tendues comme l’arbalète de Guillaume Tell, nous quittions ce théâtre nutritif avec nos airs de benêts satisfaits. En y repensant aujourd’hui, il y avait de l’amour dans cette assiette, et Dieu sait que lorsque ce sentiment nous échappe dans nos quotidiens, il est toujours bon de le tutoyer au détour d’une fourchette. Parole d’un médecin du bide ayant peur du vide, siégeant au Conseil de l’ogre.
