Très souvent de cochon, ou pouvant faire allègrement la part belle à la sardine ou au thon, la rillette est une bénédiction assez sous-cotée, face à l’omniprésence du sacro-saint pâté. Et pourtant mes asticots, se demander si l’on est plus rillettes ou pâté, est aussi crucial que se questionner si l’on désire plus une fille ou un petit minot. Enfin, ce n’est qu’un avis très personnel… Il faut voir la rillette comme un instrument de convivialité, servant de mise en appétit avant des festins accomplis. En apéritif pour accompagner un beaujolais assez jeune, ou en entrée pour se faire le chemin de la becquée, ce mets gras vous mettra dans de véritables beaux draps. Diable, que se batailler les filaments de chair à bout de couteau est un moment privilégié et rempli d’égo. Bouge-toi de là, le plus gros sera pour moi ! Vous aurez compris, mes braves vertébrés, que la rillette est pour moi objet sacré. Laissons pour une fois le pâté là où il est, et plongeons-nous avec veine dans ce délice né en Touraine.
En effet mes agneaux de lait, je vous mens si je vous apprends que les rillettes viennent du Mans. Bien que popularisées dans la ville de la Sarthe grâce à sa production plus industrialisée, c’est bien à Tours que les rillettes ont commencé à jouer, auprès des gourmets, des jolis tours. Mon ami météorologue dirait que grâce au ciel, et surtout aux commerçants de bouche de notre douce Gaule, nous pouvons en tartiner aux quatre coins de la métropole. En parlant de marchand de bien, je vous avais parlé il y a quelques semaines d’un coquin volailler, portant la casquette avec autant d’élégance qu’un Hollandais sur les bords de la Méditerranée. Le chenapan faisait du poulet sa madeleine de Proust, en le déclinant de façon variée. Je vous le donne en mille mes élégants faisans, le bougre proposait de la rillette de poulet ! Vas-y l’écrevisse, fais-moi goûter à ta merveille assaisonnée…
Ici, la volaille cuite longuement dans la graisse faisait office de salle d’attente, avant que ma pintade farcie finisse de me détendre. Mazette, lorsque l’assiette apparut sous mon nez fuitant d’humidité, l’émotion me comblait et me faisait gracieusement renifler. Les longueurs charcutières s’imbriquaient avec la précision d’une orgie rêvée, faisant penser que les volatiles souhaitaient jouer au Mikado, jadis passe-temps désiré. Une tomate cerise coupée en deux, venait rafraîchir l’écuelle avec l’élégance de la légère brise s’avançant pour caresser nos œufs. Je laissais le soin à mon accompagnante de profiter jovialement du potager, et de ses saveurs acidulées. Et puis, impossible de relater cet instant sans mettre en relief le plus sous-évalué des condiments. La coquetterie verte ébranlait nos palais avec sa tonicité légendaire, vinaigrant nos bouchées et nous rappelant que le cornichon avait tout pour plaire. Dorénavant, nous pouvions passer à la suite avec sérénité, la basse-cour ayant pris domicile dans nos entrailles, chichement.