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Epicurisme autour des moules-frites

Julien Fournier

En donnant vie il y a quelque temps aux Chroniques épicuriennes, je désirais écrire pour me divertir mais aussi soigner mes peines. Le divertissement que l’écriture me procurait était tout d’abord virtuel, avant de se transformer depuis peu en agréable réalité. La sortie de mon livre fut le vecteur inespéré alliant sentiments intérieurs devant mon clavier, et rires sincères devant des restaurateurs passionnés. Aussi, je considérais que proposer mon émotion sur un feuillet en papier, était un acte de courage, dont je me sentais incapable à l’orée de ce projet. La crainte du dévoilement a heureusement laissé place aujourd’hui, à l’envie de partager des moments de vie avec son vis-à-vis. Et pour cela, quoi de mieux que casser une graine au comptoir, devant des gens que l’on aime apercevoir. Il me fallait bien ce midi-là un rince-doigts pour lotionner mes boudoirs, et non pas pour estomper ma joie devant mon bon vouloir.

De la même manière que nous ne sommes pas obligés d’être un écureuil pour aimer les glands, il n’y a aucune nécessité d’être belge pour jouir de moules-frites frénétiquement. Ce plat mythique peut donner du plaisir même loin d’Anvers, et le dire n’est pas le monde à l’envers. Nous sommes uniquement devant l’expression d’une riche exportation, dont le plat pays peut être fier. En effet, déguster des mollusques comme les moules demande un fin doigté, précis, mais avec de l’engagement. Qu’elle soit marinière, à la crème ou au vin blanc, la moule doit s’offrir à vous avec une ouverture ne laissant aucun doute sur le désir qu’elle a de se faire paître âprement. Diable, s’alimenter comme nos voisins européens promettait une haleine iodée, et une tache sur la chemise satinée. Je désirais réellement tirer profit de mon moment, en cajolant de mon aspiration les coquines à coquilles. Allons-y gaiement…

Lorsque la tenancière s ‘exclamait sur la qualité certaine de la marée, je sentais tout de suite en moi la fierté de gobichonner frais. Il fallait bien se retrousser les manches, pour exploiter les moindres recoins de cette pyramide réjouissante de bivalves accueillants. Ces derniers semblaient laisser la porte entrouverte à mon coup de langue alerte. L’entrebâillement perçu de la moule était un signe de confiance à mon égard, que je me devais de glorifier de ma sainte becquée, afin d’éviter qu’elle me confonde en triquard. Au second plan, le contenant de frites aussi fraîches que mon amoureuse secrète un jour de mariage, attendait patiemment que la plongée sous-narines sécrète en moi une féroce libido olfactive, puis un agréable goût d’abordage. Diable, ça croustillait dans le quartier ! Revenons à nos boutons comme dirait mon ami couturier, avec les amies des rochers, aussi savoureuses qu’un Ferrero avec le café. Le persil se logeait confortablement entre mes dents, trouvant dans ce lieu intime le réconfort ultime. Je ne riais pas jaune, mais souriais vert devant la patronne me servant le dernier verre.

Il ne restait plus rien devant mon nez, hormis le zinc immaculé du jus de félicité. Comme pris en flagrant délit de consommation excessive, je me tenais les mains en l’air afin de ne rien caresser et éviter la lessive. Sur le chemin du point d’eau pour baigner mes couverts, je rendais hommage aux gargotiers dans la chaleur d’une cuisine, où les divines suintes pourraient faire déborder les gouttières. En définitive, l’association inhabituelle pour notre culture sudiste se laisse apprivoiser avec gourmandise, et avec le naturel d’un tube à essai devant un chimiste. Ce midi était la preuve que tremper la frite dans le bain marin n’avait pas de frontière, et que nous étions rangés derrière la même bannière. Celle de la gourmandise coutumière.

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