Il faisait beau, radieux même, mais avec un vent à faire frissonner un individu pourvu d’émotion. La veste était alors de rigueur, afin de profiter du bord de l’océan et de son rafraîchissant bonheur. Les yeux rivés sur l’immensité bleue me permettaient de m’évader tout en réfléchissant à ce qui allait combler mon petit creux. Il était en effet midi, l’heure que j’affectionne tant pour le gourmand bon temps qui me sourit. Restons ici déjeuner, même si j’ai toujours un doute quant à la valeur de la mâchouille bordant de si près la marée. La carte alors dans mes mains, je pouvais choisir mon festin, avec la curiosité aussi aiguisée que celle de mon ancienne voisine pour mes histoires de pine. Burgers, salades, tartares, et surtout des coquins gnocchis all’amatriciana garnissaient la lecture divine. Je peux d’ores et déjà vous affirmer, mes juteux brugnons, que je n’ai pas croqué ce midi-là dans une laitue, avec la crainte de devenir ronchon.
Mon Perrier nature laissait une grande place aux accords que je pouvais faire lors de mon repas, n’ayant pour une fois aucune envie de tremper mes lèvres dans du jus de raisin. Sûrement la voie de la raison. Mon amour pour la belle pâte n’étant plus à prouver, j’optais sans errance pour un voyage qui devait m’emmener en Italie, et vers sa gastronomie que je place au centre de mon échiquier. Aussi, l’agréable surprise de pouvoir jouir d’une sauce amatriciana faisait pencher la balance vers ce plat attrayant pour ma panse. La promesse de l’asticote à tablier sur la confection maison des sucres lents finissait de me convaincre de rencontrer ces derniers. Mazette, si cela fonctionne, je serais dans un confort visuel conjugué à un bien-être gustatif que je souhaiterais à chaque personne.
Déjà, je pouvais constater la gaieté qui se dégageait de mon assiette sombre, grâce notamment aux copeaux de pecorino présents en nombre. Le cliché que je devais alors prendre pour illustrer ces quelques mots avait l’impératif de vous faire a minima saliver, au mieux rêver. Lorsque je plongeais mon tarin dans la préparation venue de la botte, j’inspirais un franc coup afin que mes naseaux se transforment en hotte. Les effluves délectables portaient sur la salinité du guanciale, joue de porc salée qui devrait d’ailleurs garnir la carbonara des tables souhaitant être respectées. Revenons à nos gnocchis chéris, et au plaisir que je prenais à les embrasser. Je recevais surtout une belle surprise en mastiquant ce qui était bien roulé dans la cuisine de ce lieu rêvé. Le nappage honorait correctement les origines de la recette, ce qui rendait le séjour dans la région de Rome encore plus chouette. La texture sous la dent avait la fermeté nécessaire, afin d’apprécier la tendresse de la caresse culinaire. Le fromage et la charcuterie, liés à merveille par la tomate, s’entrelaçaient dans mon bec comment deux amants se voyant à la hâte. Il ne faut jamais quarante gnocchis afin de se rassasier en prévoyance de l’après-midi. Ainsi, la consistance de cette pâte spécifique permet la satiété d’une manière mirifique. Vous aurez compris mes artichauts frits que je n’avais pris aucun dessert, pouvant dangereusement m’enlever le goût de la Méditerranée. J’estimais cela non nécessaire, et le café pré-sieste suffirait sans conteste.
L’heure de dévisser mes fesses de la boiserie arrivait, et ma satisfaction d’avoir bien mangé se lisait sur mon portrait. Aucune certitude ne m’avait fait ingérer un classique transalpin, sur la côte, face à l’infini bassin. Mais il fallait bien admettre que cette godaille avait fait bouger mes idées quelque peu arrêtées, sur les bienfaits de lâcher une prise qui semble souvent comme une bouée. La bouée, elle, était ce midi-là perceptible à l’horizon, dansant sur le rythme de l’Atlantique pour nous offrir un spectacle idyllique. Merci pour ce moment.