L’autre jour, le soleil frappait à notre porte avec fracas tel une perquisition matinale dans une affaire du mal. L’idée de se retrouver dans une ambiance iodée fut une évidence, sachant en plus que les terrasses reprenaient tout leur sens.
Un coup d’automobile plus tard, nous voilà arrivés sur le joli présentoir d’un restaurant où ma femme et moi aimons prendre l’air. Le cadre y est océanique et la boustifaille généralement orgasmique. Le temps semble tellement s’arrêter, que nous tirons déjà du positif avant le débarquement de nos entrées, puisque nous sommes à la moitié de notre flacon de rosé. La Clio nous ramènera chez nous un point c’est tout.
Si j’emploie volontairement le terme de « généralement » plus haut, afin de relater la qualité certaine de notre garde-manger du jour, c’est bien car l’expérience me fait dire que ce n’est pas parce que l’on crache sur une poule que l’on obtient une omelette baveuse. Autrement dit, l’atout d’un splendide panorama ne fait pas la beauté du manger loin de là. La houle devant le museau ne vaut rien si la moule a une odeur de caniveau. L’habit est loin de faire le moine dans l’univers de la bistro/gastronomie. D’ailleurs, les néo-ruraux fraîchement arrivés sur nos littoraux en soif de «m’as-tu-vu» côtier feront bouclier pendant que nous pourrons profiter de la vue combinée à la qualité. L’endroit du jour est de cela, profitons de notre repas.
Etant un forcené de la becquée, je décide d’attaquer aux couteaux mon déjeuner. Plus je prends de l’âge, plus ces bivalves aux coquilles allongées me procurent à chaque fois de l’extase. Cela fait déjà effectivement longtemps que j’ai enterré la hache de guerre avec les mollusques pêchés dans la vase. Je ne résiste en effet pas longtemps à égoutter les rigoles marinières sur mon palais, dès lors qu’elles se trouvent sous mon nez. Ces canalisations coquines et gorgées de mascaret ont autant de saveur qu’une bonne pipe, à condition bien évidemment d’avoir un tabac d’une grande capacité. Mes yeux expriment de l’émotion à chaque coup de mâche, tandis que mon tissu vestimentaire pleure les discrètes tâches. Même si la machine à laver sera le futur jouet de ma déesse endimanchée, je me dois de la respecter un minimum en lui fournissant une pastille de gaieté. Ce qui est en outre plaisant dans cet instant, c’est qu’il soit aussi bien assaisonné que mes coquillages par la qualité du vin proposé. Comme à Aqualand, il est essentiel d’humidifier le toboggan pour une meilleure glissée. Le vin blanc que je décide de pitancher cogne suffisamment pour s’accorder divinement avec la chair ferme de mon trésor venu du Golf de Gascogne.
La suce généreuse des fruits de mer sans désagrément sablonneux clôturée, et me voilà prêt à recevoir la continuité de ma marine lippée. J’avais à ce moment là l’impression d’être un fakir après avoir avalé ces quelques délicieux couteaux sans difficulté. Un avant-goût de ce don m’était d’ailleurs apparu la veille, lorsqu’un piètre individu m’avait cassé les valseuses sans que le mal vienne… En tout cas, je ne connais aucun fakir hormis dans « Tintin et les cigares du pharaon », mais si pour le devenir, manger des couteaux est un impératif, alors je veux bien des conseils de mon ami restaurateur autour d’un bel apéritif.