Que j’aime dénicher des nouveautés, dans lesquelles mon langage corporel peut s’exprimer avec la plus grande bonté. Je lutte intérieurement depuis longtemps pour ne pas être un guide parmi d’autres, où un prédicateur des bons chemins à la mode. La liberté commence par la subjectivité de nos pensées et ressentis, nom d’une pipe en poil de ouistiti ! Le nombre d’étoiles ne remplacera d’ailleurs jamais la sincérité d’un popotier qui se dévoile. Être talentueux derrière les fourneaux est une chose, être gracieux devant les badauds est encore une meilleure prose. Vous le savez mes asticots, les histoires m’intéressent plus que le grammage, comme la beauté d’une brune me préoccupe plus que son âge.
Le bistrot, du café du matin en passant par les calories d’un Saint-Marcellin, pour finir par mélanger autour du zinc des différents destins. Des lieux de vie patinés par le temps, mais surtout polis par des instants. Des endroits comme cela, il en manquera toujours, tant ma croupe de faisan s’y sent aussi à l’aise qu’un sculpteur devant de la glaise. Je me devais il y a quelques semaines pour le besoin de ma chronique radiophonique, de débusquer un terrain de jeu vierge du passage de mon museau heureux. Pour cela, une de mes antennes fiables m’avait susurré à l’oreille l’ouverture d’une future merveille. Diable, une carte aussi courte que la période de Barnier à Matignon, et des vins enfantés par des indépendants vignerons. Je m’apprêtais, mes souriceaux, à pousser la porte d’un troquet de quartier, réhabilité pour le plus grand plaisir de mon palais.
Nous étions de mémoire un mardi, et je m’installais dans un espace qui me rassurait. Le voisinage de croûte n’était pas loin, donnant une accessibilité évidente aux échanges encore possibles entre humains. Un simple « Ah vous avez pris un parapluie ? Pourtant il fait grand soleil… » peut se transformer deux ans plus tard en tour du monde, à condition d’avoir tout de même un peu d’oseille. Pour ma part, je questionnais le loustic à ma gauche sur la gourmandise de son endive au jambon. Le bougre se mettait de la belle béchamel dans l’entonnoir avec conviction. Il me convaincu surtout de la suivre dans cette pitance d’enfance, que nous ne voyons malheureusement jamais sur les cartes de nos restaurants, en abondance.
Ce réconfort typique du nord de notre pays ne fait dans le Sud-Ouest que trop peu de bruit. Pouvoir l’admirer, le déguster, est une chance qui m’était présentée. Le popotier du coin portait le bandana avec autant de classe qu’un acteur californien des années 90. Autre indice de son talent, il faisait braiser les endives depuis sa cuisine ouverte, avec la satisfaction d’un criminologue devant un corps inerte. Juste avant de passer à table, il me contait l’espoir de voir son milieu naturel faire partie des références de la bonhomie au pied de la citadelle. À Bayonne, il y’a des militaires, mais avant tout des plats du jour ficelés d’une belle manière. L’endive n’avait pas eu la possibilité de me racoler très longtemps, mon appétit le décida autrement. L’individu qui m’accompagnait ne voyait jamais mon regard, car plongé dans mon volontaire écart. Même le lit de salade ne me racontait pas d’histoires, seulement de l’espoir.

Le moment était venu de remercier l’existence pour ces rendez-vous remplis de simplicité, clé d’un bonheur assuré. Ce midi-là, les egos étaient cachés pour faire mieux écho à la fraternité. J’ai déjà promis à Maman que l’on partagerait quelques bavardages autour d’un prochain plat consolatoire. La vie n’est-elle pas faite de trajectoires ?
Merci pour ce moment.