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Epicurisme autour de la rencontre avec le Domaine Gutizia

Julien Fournier

Le parcours de chacun est jalonné de rencontres plus ou moins enrichissantes, méritant qu’on prenne le temps de les raconter, telles des histoires attendrissantes. De la même manière que j’ai pu vous abreuver durant quelques années de proses sur la belle becquée, l’important était dorénavant de se pencher sur les faiseurs de mes mets préférés. On boit, on mange, on rigole devant une table remplie de bénédictions, et surtout, on remercie la vie pour ces douces occasions. Seulement, avant d’avoir la mâche généreuse ou la gorgée facile, il ne faut jamais oublier que des hommes et des femmes se tiennent aux prémices d’une chaîne que nous consommons avec gloutonnerie. Même si nous ne sommes pas dans l’obligation de connaître toutes les ficelles ni les tenants et aboutissants d’une filière ovine, d’un travail de la vigne, ou de la production agroalimentaire et ses lignes, la soif d’apprendre n’étouffera jamais le bipède, qui, de curiosité, trépigne. Et puis, vous vous doutez bien que derrière mon itinérance gourmande se cachent de talentueux personnages, ne laissant pas intact mon paysage. Relater des trajectoires sans être pilote de Formule 1, vous me direz que c’est de mauvais présage. Mais raconter des destins avec mon originalité sera aussi jouissif que pour un dentiste un excellent détartrage. Aussi, si vous désirez cligner des yeux, faites-le maintenant avant que l’on passe au paragraphe suivant, et que l’on prenne la temporalité nécessaire de se rendre compte du monde qui tourne, finalement, assez admirablement.

Mes asticots, je vais vous confier un scoop. Il m’arrive régulièrement de tremper mes lèvres dans du jus de raisin, des fois avec raison, des fois moins. Ne me jugez pas, chez un sensible comme moi, l’excessivité n’est jamais loin. Glouglouter des nectars vinifiés est finalement la facilité, face à la complexité du travail des vignerons passionnés. Si pour certains l’étiquette fait profession de foi et de certitudes de sachants présomptueux, il m’arrive comme le commun des mortels de me régaler sans être pour le travail fourni, soucieux. Je me suis bien baladé un jour dans les vignes avec une amie, mais ce n’était pas pour constater la bonne santé des grappes autour de notre envie. Cependant, une invitation venant de l’intérieur du Pays basque allait me ravir, tel un conservateur républicain devant un stand de tir. Direction plus précisément la province basque de la Basse-Navarre, afin que je croise Cécile et Sébastien du regard.

Les deux loustics sont à la tête de deux hectares de vignes, au sein du joli domaine de Gutizia. Cette richesse verdoyante est à flanc de coteau, comme l’ensemble des domaines de l’appellation Irouleguy, parsemant une terre escarpée comme taillée au couteau. Le rendez-vous était fixé à l’heure du goûter, et il faisait une chaleur agréable pour un berbère isolé. Personnellement, je suintais comme une charcuterie ibérique sur un comptoir orgasmique. Je fus accueilli dans la salle de chai par Cécile, qui me paraissait en un coup de rétine aussi sympathique qu’un joli mascara sur un cil. La tenancière était à l’aise dans son univers, occupant son espace scénique aussi bien qu’un élève de la Star Academy. Disons-le, elle était solaire la bougresse ! La discussion simplement entamée reflétait déjà mes profondes pensées. L’humain était au centre de son projet, comme je souhaitais faire évoluer le mien vers d’autres aspérités. Elle m’expliquait alors le déroulé de cette fin de journée, avec une promenade dans les parcelles qui allait m’enchanter. J’avais eu en amont la consigne d’enfiler mes plus belles chaussures de randonnée, afin de pouvoir écraser les limaces en toute tranquillité. Tiens, un bruit surgissait de l’entrée du bâtiment, c’était Sébastien qui s’avançait ses pions décidément.

Comme précédemment avec sa femme, le chenapan passait sous mon radar oculaire pour également me plaire. Le prototype est différent, mais inspirait la bonhomie. Comme une tortue, il semblait se prévaloir d’une carapace, mais contrairement à elle, son alimentation ne s’avérait pas faite uniquement de laitue. Le gaillard pouvait convaincre facilement le mildiou de déguerpir de ses hectares, ou me faire dire qu’une fourmi ressemblait à un guépard. Ce Drômois était passé d’un sud à l’autre, avec le même appétit pour son gagne-vin. Monsieur se préparait à nous faire la visite, pendant que Cécile s’astreignait à déboucher pour notre retour arrosé. Si je suis tout à fait sincère, elle allait surtout abattre un boulot décuplé encore une fois dans son quotidien enragé. En avant Sébastien, c’est toi qui conduis, c’est moi qui tiens le frein !

Plus nous nous élevions à hauteur de clocher d’église et plus les corps ruisselaient telle la fonte de la banquise. Le chef de meute, grâce à ses mollets développés, figurait chez lui. Comme nous n’étions pas des pèlerins de St-Jacques pour déambuler comme des bourrins en plein cagnard, de la pédagogie s’immisçait tout au long du sentier phare. Sur quel type de sol marchions-nous ? Quels cépages dominaient le breuvage ? L’appellation s’étendait-elle sans retenue comme un pique-assiette ne prévenant pas de sa venue ? Est-ce qu’un hérisson est synonyme de danger pour la vigne ? À cette dernière interrogation, j’avais répondu que oui. Faisant déjà difficilement la différence entre un chameau et un lémurien, je ne comptais pas vraiment sur mes connaissances en faune et flore pour asséner le bien. Dois-je rappeler que mon appartement est truffé de fausses plantes ? La végétation autonome, mes élégants mulots. Bref, revenons à nos boutons comme dirait mon ami couturier. L’œnotourisme se terminait, et le petit groupe de six personnes pouvait regagner la fraîcheur du chai. Notons la présence d’un individu atypique, ayant exprimé à vingt reprises en une heure le fait qu’il ne buvait pas de rouge ! Vais-je dire à un manchot que j’adore les bras ? Non.

Voici venu le temps de la pratique post théorie. Nous commencions de concert à nous basculer d’énormes verres de flotte, rappelant les plus belles lampées de Tintin à l’approche de mirages désertiques. La dégustation débutait par un blanc, pour finir sur deux rouges de qualité. La femme de celui qui n’aimait pas le vin rouge était proche du malaise depuis quarante-cinq minutes, se plaignant de la chaleur allégrement. La polissonne n’était pas prête de se lancer pour le Rallye des gazelles dans le Sahara marocain. J’adorais sincèrement le moment que je passais, avec ce couple dont je savais que nous allions autour d’une table prochainement nous retrouver. Je vous ai dit en préambule mes crustacés, que j’allais moins parler des produits pour laisser place aux paroles données. Oui les vins sont bons au domaine de la Gutizia, mais ils sont surtout généreux à l’image des parents des diverses cuvées. Cécile m’avait dit « Une cuvée qui sort c’est un bébé qui naît ». Mais, une cuvée qui naît est-elle un bébé qui sort ? Il faudra que j’y retourne pour avoir la réponse. Cécile, Sébastien, merci pour ce moment.

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