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Epicurisme autour de la planche du vendredi

Julien Fournier

Car nous ne sommes pas dans l’obligation d’être surfeur pour avoir une planche, mon vendredi se voulait garni de bons produits en avalanche. Il y a des jours où l’appel du pique-nique intérieur est aussi fort que celui d’un muezzin au sein d’une médina écrasée par la chaleur. Nous troquions volontiers les chaises de campeurs, et l’assise en tailleur, pour un moelleux canapé caresseur. Nous étions sûrement pour les puristes des aventuriers en papier, mais surtout à bons palais. L’important résidait encore et toujours dans la mâche plutôt que dans la marche. Actons tout de suite avec la gredine qui m’accompagnait le projet de notre future becquée. Elle serait conviviale, sans couverts mais avec nos sens ouverts.

Ce soir-là à la télévision, quelques bouses se battaient à l’unisson afin de capter notre attention. La petite lucarne n’avait encore pas compris qu’elle ne lutterait pas face à notre boulimie. Un feu crépitait non loin de notre table basse, pour nous réchauffer la couenne avant de s’en mettre plein la besace. La divine planche que l’on avait constellée de précieux mets occupait l’ensemble de notre horizon rêvé. Il faut dire que la bougresse avait au moins la superficie de Calais. Pourvu que nous puissions la finir sans caler. Autant, je n’ai jamais pris de plaisir à renifler de la blanche, que dispatcher des coquineries gustatives me procure de la délectation, sur une planche. Mon accompagnatrice de mastique avait la même passion pour le produit licite. Lorsqu’elle me prenait en flagrant délice d’architecture alimentaire, sa faim devenait de plus en plus explicite. Diable, l’asticote venait renifler à bout portant les morceaux de désirs qu’elle convoitait pour le meilleur et non pour le pire. Je prenais acte, et finissais par exposer une énorme miche à faire pâlir les boulangers de Guiche !

Si nous rembobinions un peu le temps, mes espiègles crustacés. Il me fallait, afin de construire ce tapis de denrées, visiter en amont d’aguicheurs commerces de proximité. Ma gredine étant aussi portée sur le végétalisme que moi, je poussais en premier lieu la porte d’un rôtisseur bienheureux. Le gazier à tablier n’avait pas eu besoin de me forcer la main afin que le pâté croûte et la rillette de poulet soient mon destin. Dois-je vous parler du saucisson brioché qui s’était glissé dans la poche de courses ? Comme un trader se faufilerait dans une belle bourse. La partie charcutière était dorénavant jouée, et mon périple m’amenait vers le marchand de pain. D’ailleurs, paraît-il que le sapajou croquait la mie à pleines dents ! Sans baguette ni encore moins de ficelle, l’apéritif dinatoire se consumait avec un trapu quignon campagnard, assurant des tranches aussi épaisses que le sexe d’un broutard. Et le fromage dans tout cela ? Il était déjà dans l’ambiance, puisque sorti par prévoyance par la loustic pour qu’il soit à température ambiante. Notre ami crémier nous avait dit jadis que ce qui était brie n’était plus à prendre. Truffé de son état, nous allions en profiter. Le trio était complété par un espiègle comté, et du vieux gouda. Heureusement que nous ne sommes pas forcés d’avoir la tête d’un Hollandais pour s’enfiler ce coquin affiné. Nous aurions pu être vingt autour de cette planche, mais deux autour du vin suffisait à ce que l’on soit étanche.

Planche du vendredi

Sur les coups de vingt-trois heures trente, nous nous prononcions à l’unanimité afin d’aller au plumard, le goût de la vie encore très peu avare. J’hésitais personnellement à me lustrer la gencive pour profiter des restes, mais je souhaitais avant tout préserver autrui de mon haleine funeste. Comme on dit sur les hauteurs des steppes mongoles, finir une yourte est plus délicat que finir un yaourt.
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