Il est rare que je décrive mon environnement convivial par le seul biais d’un produit. Mais aujourd’hui, je me devais d’honorer mon goûter que je nommerais étoilé. Modestement vous conter un moment privilégié est déjà assez grisant pour moi, mais cela ne m’empêche pas de saupoudrer cette chronique d’une chance qui j’ai pu mâcher avec joie. Il fallait bien partager ce rendez-vous gourmet avec un chaland, dont le goût est aussi aiguisé que le couteau d’un meilleur ouvrier boucher. Il convenait également d’une occasion rare pour côtoyer de près ce mets fantasmé. Car oui mes juteux brugnons, mercredi dernier, j’ai croûté de la langouste avec autant de passion qu’un joueur de tennis français aime prendre des roustes.
Le rencard boulimique précédé une signature importante pour ma pomme, puisque je me délestais de murs qui appartenaient au passé. Je ne vous mentirai jamais, et donc je dois avouer que ma faim n’était pas au zénith contrairement au soleil. Mon conseil, qui est avant tout un ami qui me veut du bien, avait bousculé nos destins pour que l’on puisse savourer un attrait commun, le festin. Le coquin a l’allure d’un tronc qu’un bûcheron ne se risquerait pas d’entamer, sous peine de franche fessée. Pour assaisonner le tout, c’est un catalan. En somme une armure fière et rude, mais avec moi un cœur de burrata. Comme je suis aussi fin qu’une tige de romarin, le mélange promet un sacré instant volé comme le réclamerait Arsène Lupin. Le sapajou du Perthus ressentait l’envie de me convier dans sa cantine favorite, que je connaissais pour avoir déjà ripaillé avec vitalité. L’auberge est savoureuse, avec des produits qui rendraient une dépressive heureuse, et un patron aussi empathique que le trésorier d’une association pour la sauvegarde des pommes et leurs croqueuses. Ce dernier, annonçait avec satisfaction un vivier que nous pourrions déguster en toute simplicité. Quel brigand ! Mais allons-y pour le crustacé décapode. Vous savez mes asticots, je n’ai eu le choix que de répondre positivement à ce bon augure. Alors de temps en temps un peu de dictature…
N’ayant guère joui de la chair de cette reine de plongée dans ma vie, la curiosité m’envahissait à l’approche de la becquée. Allait-elle trouver un refuge aussi douillet dans nos tissus adipeux que dans les fonds rocheux ? S’exprimerait-elle aussi gracieusement dans nos boîtes d’avale que dans les eaux tropicales ? Subitement, la question de son bien-être se dressait devant moi comme une obligation de respecter Sa Majesté. Je promettais alors à mon convive que ma mastique se ferait délicate, la conscience bien présente que je ne gobichonnais pas des mauvaises pâtes. Mazette, voici l’engin ! Toi et moi, ca sera un pari gagnant, ma nageuse à antennes ! God save the win !
Que la gredine portait à merveille sa belle taille et son corps allongé. On aurait dit Brian Joubert lors de ces plus belles boucles piquées. Aussi, ces pinces atrophiées rendraient rêveurs les radins du globe entier. Mes pingouins, connaissez-vous vraiment des prédateurs nocturnes avec autant de classe ? Même Dominique Rizet de BFMTV s’inclinerait devant cette enquête pleine de grâce. Comme nous, les langoustes apprécient s’engouffrer dans des failles. Elles pour se protéger, nous pour nous mettre en danger. Dès la première bouchée, j’ai compris que la tendreté de l’animal m’aiderait à adoucir mes angoisses de taille. Lorsque notre hôte venait se rendre compte de ce déjeuner qui compte, aucun son ne sortait de ma bouche, tant mes yeux exprimaient la gratitude d’une vie que jadis j’aspirais à mettre sur la touche. Dois-je vous informer que du riz accompagnait ma sauterie ?
Il était bientôt l’heure de plier les gaules, avec des souvenirs gustatifs de haut vol. On dit souvent qu’il faut être au bon endroit, au bon moment, et je considérais cette citation comme d’actualité tant je me sentais privilégié. À quelques encablures de là, je m’avançais alors pour signer, avec la volonté que mes antennes captent le bonheur, comme une certaine langouste a décelé dans mes rétines des lueurs.