Lorsque nous revenons d’une contrée rêvée, il est impossible de ne pas le conter avec velléité. Une jouissance de vie bien faite se doit d’être digérée en minimum deux journées, signe d’une escapade où le mot tricher n’a pas manqué. Si le ver n’était pas dans le fruit, le fruit était assurément dans le verre. En effet, accompagné d’une pincée d’amis, nous nous sommes retrouvés à licher de la pomme comme cela n’était pas permis. Nous humions cette terre cidrière du nord de l’Espagne, avec la passion de ceux qui devant l’épicurisme, ont la hargne. Diable, que j’affectionne de partir en balade avec des sachants de peu, mais qui devant peu sont heureux. La vraie richesse se trouve bien ici mes espiègles tritons à ventre de feu. Dorénavant, laissez-moi vous raconter les Asturies, qui sont chaque année pour moi un sentiment.
La date était cochée depuis plusieurs mois, et l’attente se faisait puissante et remplie de joie. Il y a deux choses qui me comblaient dans ce périple triomphant, tant dans la façon traditionaliste dont se comportaient mes compagnons, que de revoir cette terre que j’idolâtre. C’est comme si j’étais pirate, et que je partais à l’abordage avec une bande de borgnes. Cela rassure de savoir que nous battrons sans aucun doute la belle mesure. Mes amis, j’ai envie de vous dire Borgne to be Alive ! Nom d’une pipe en écaille de bonite, il me suffisait simplement de gonfler les pneumatiques de la délicieuse Clio afin de rallier le territoire émérite. Feu ! Enfin, vroum vroum…
Déjà chez les Celtes depuis quelques dizaines d’heures, nous décidions de terminer notre exode pour un ultime repas copieux. Nous avions, à cet instant-là, les ventres aussi gonflés qu’une montgolfière dans le ciel étoilé du désert de Merzouga. Aussi, et sans tomber dans la délation opportune, mes acolytes ventilaient depuis le matin telles des chaudières de fortunes. Ils participaient en quelque sorte au réchauffement climatique ! Nous nous arrêtions donc dans un petit port de pêche afin de s’alléger avec de l’estimable poisson. Arête toi ! S’exclamaient mes frères de route et de croûte. Nous repérions tout de suite une auberge d’un bleu à faire pâlir les schtroumpfs de la région, et qui certifiait la fraîcheur des animaux venant de la marée. Un vivier ornait l’entrée de ce cabaret iodé, et la table nous attendait. Mes moussaillons, mettons-y les mains comme des gens de passion !
Nous options pour un communisme alimentaire, avec le partage de trois best-sellers de la maison. Sachez que nous étions plus à l’aise à gober de la croquette à la chaîne, qu’à tricoter devant une pelote de laine. Et puis que dire du poulpe, tout simplement tentaculaire et habillé pour nous plaire. Tellement emballé que je lui ai posé deux doigts sur sa patte pour lui prendre le poulpe… Il ne manquait alors que la résistance, cet « Arroz » majestueusement baigné dans un bouillon accueillant crabes, moules et palourdes. La ration pouvait alimenter un quartier entier, et la finir serait un miracle tout droit venu de Lourdes. Pourtant, à grandes tournées de louches rigoureuses, nous faisions disparaître le riz avec le talent des plus grands magiciens des Trente Glorieuses. Nos boudoirs étaient immaculés du jus marin, et les effluves se faufilaient dans nos tarins. Quel bonheur de gobichonner ce type de saveurs !
À peine la dernière pince de crabe disséquée avec la précision d’un chirurgien chevronné, que malheureusement nous nous présentions devant le véhicule afin de quitter ce pays cocottant la vitalité. J’avais environ quatre heures de volant devant moi pour digérer la mélancolie qui s’acheminait vers moi. Le déni s’emparait de l’habitacle, et nous étions obligés de nous remémorer, déjà, le spectacle.