Lorsque j’entame l’écriture d’une chronique, le livre de mes souvenirs s’ouvre de façon frénétique. C’est tout le temps la même chose, des scènes conviviales et des moments rares dans divers antres, dont la plume est le service après-ventre… Avec mes propositions rédactionnelles, je puise dans mes annales passionnelles pour vous conter des histoires réelles. Et je peux vous dire mes asticots, que je me fais un malin plaisir à vous narrer mon rendez-vous avec cette belle saucisse au couteau. En effet, ce déjeuner inopiné se déroulait dans la capitale hexagonale, paradis à mon sens pour individu à éclatante dalle. Mazette, quel ravissement d’être pris en charge à l’aide d’une coquine assiette.
Nous étions fin septembre, et des obligations liées à la sortie de mon livre m’amenaient sur la route de Lutèce. En effet, j’organisais une petite sauterie en comité qualitatif, afin de remercier celle qui a préfacé mon chef-d’œuvre, avec un engagé apéritif. Je prenais dans mon bagage un caleçon propre pour les trois jours, mais surtout mes parents pour qu’ils redécouvrent la ville de l’amour. Je leur avais promis qu’entre deux verres de blanc, ils auraient le temps de s’asseoir sur un banc. Ladite soirée était prévue un jeudi soir, et je descendais de mon train le matin même plein d’espoir. Aussi, je savais pertinemment comment combattre mon léger stress, et je décidais donc de me diriger depuis la gare vers mon lieu de sagesse. Cet espace de relaxation n’a rien d’illusoire, puisqu’il est établi depuis belle lurette dans le 10e arrondissement, plus précisément dans un quartier qui est loin d’être dortoir. Je me présentais avec ma valise et ma gloutonnerie sur les coups de midi, pour découvrir un joyeux balai typique des bistrots parisiens. Ceci serait mon destin.
La taverne était plus remplie qu’une salle d’attente de dentiste au sein d’un camp zadiste, ce qui me procurait une subite inquiétude sur la capacité à accueillir mon corps de crevette décortiquée. Diable ! Qu’entends-je soudainement ? Il m’était possible de me poster directement au comptoir, avec vue sur les cuisines. Quelle idée divine… Je trouvais que l’hospitalité était à son paroxysme, tant la proximité avec le gang des popotiers serait au service de ma salive faite d’érotisme. À peine placé sur mon strapontin de fortune, que la gouaille s’élevait avec l’assurance d’un vent désertique caressant les dunes. J’affectionne tellement ces ambiances de vie que je décidais de m’attaquer directement à la bâfre du pain et de sa moelleuse mie. La serveuse débutante mais déjà bien accueillante, me bramait avec un volume sonore certifié qu’une saucisse au couteau et ses frites pouvaient me combler. Quelle galopine… Elle a su comment me parler !
L’attente de mon plat du jour se résumait à une tranche de bavardage avec celui qui me cuisait et me disposait la convexe avec un efficace abatage. Le goret, déjà majestueux sur le feu, s’offrait ensuite à mon bec avec l’espoir d’être in fine, heureux. Si l’on peut s’interroger fréquemment par quel bout prendre notre existence, il en est de même pour une saucisse. Par le nord ou par le sud, l’important résidait dans le fait que la chair sur mes papilles, danse. Pour être honnête, je passais un instant fascinant qui me faisait occulter le poids de ma transhumance. L’humilité d’une assiette, une atmosphère guillerette, rendait mon expérience débordante de sincérité. Inutile alors, mes asticots, de vous décrire le goût de cette longueur charcutière. Je suis toutefois en mesure de vous dire qu’elle avait l’effluve d’un monde bonifié.