Le samedi 4 mai restera une date particulière, pendant laquelle j’ai répondu à un gourmand appel qui me rendait fier. J’étais en effet convié à être juré dans un concours culinaire, dans cette ville de Bayonne qui ne cesse de me plaire. Je prenais cela comme une marque de reconnaissance envers mon ouvrage autour des Chroniques épicuriennes, qui est plus qu’un espace de convivialité pour moi : mon essence. Avec la radio, la sortie prochaine de mon livre, il faisait bon avoir le temps d’un instant le vent dans le dos, et de se sentir d’épanouissement ivre.
Cette journée s’annonçait non seulement affectueuse pour mon ventre, mais aussi radieuse tant le soleil dominait, pour se hisser en caressant épicentre. Les vestes restaient aux vestiaires, a contrario de mes papilles qui devaient assurer mes arrières. L’évènement était certes convivial, mais restait une compétition, même familiale. Ainsi, avec mes camarades de mâchouille, nous devions départager une trentaine d’associations, qui avaient comme défi de nous épater avec des pintxos amoureusement établis. Chaque bouchée était un morceau de l’âme de la structure jugée, et cela, nous devions absolument le respecter. C’était donc en chemise rayée mais surtout avec le plein d’humilité, que je m’apprêtais à dévorer des yeux puis des canines les travaux jugés.
Nous avions rendez-vous au sein d’une école élémentaire très connue de la ville, qui pour la petite histoire était celle de mon papa. Quand je vous disais, mes pointes d’asperges, que mon destin était de me trouver là ! C’est alors que l’épique gloutonne d’examinateurs se scindait en deux, l’humain ne pouvant pas forcément avaler plus de trente créations avec le sourire, même s’il est ambitieux. Quatre loustics avec la ceinture abdominale plus ou moins élastique se dirigeaient alors vers la salle de dégustation, où les attendaient quelques marmitons avec les yeux remplis de passion. Diable, hors de mon chemin l’asticot, je ne suis pas corrompu ! Si tu me mets un peu de lard dans la poche remarque, je mâcherais avec un léger surplus…
Le visuel, l’originalité, et le goût, était le triptyque qui nécessitait notre expertise, face à ces gourmets projets qui attendaient qu’on les fiabilise. Mine de rien, nous sentions le poids de la responsabilité de faire d’or un pintxo, qui aurait à la fin, notre accord. Personnellement, côtoyer des chefs m’obligeait à faire grimper mon exigence, afin que ma légitimité puisse danser avec les autres sens, et non à contresens. Même si je savais que mon invitation n’était pas volée, on ne se refera jamais, nous pouvons seulement évoluer. Et là, c’était dans la cour des talentueux que je jouais le bienheureux. L’heure arrivait de croquer dans le premier quignon, nom d’une pipe en carton.
Vous savez, mes fringants saumons, que j’ai une fâcheuse tendance à me tacher facilement. Ici, il y avait des journalistes locaux qui nous épiaient à bout portant, et des gens, aussi, bien portants. Cela ne nous regardait pas. Il fallait donc que je sois le plus gracieux, et le plus vigilant possible à chaque coup de dentier, pour que les créations ne s’échappent pas vers mes souliers. Et je peux vous dire qu’il y avait plus de sauces au mètre carré que dans un boxon frontalier ! Que le jury se régalait…
Grille à la main, nous passions de becquée à becquée comme si nous étions un général haut gradé, faisant sa revue des croûtes… La faim s’estompait assurément au fur et à mesure que l’événement se consumait, mais la gourmandise dans notre bataillon était innée. Nous finissions donc notre tâche avec inspiration et envie, avant la fameuse délibération et son lot de pacifiques conflits. Je ne citerai aucun nom mes merlans frits, mais mon voisin préférait les pacifiques confits…
Les pharmacies de la ville affichaient vingt heures lorsque nous sortîmes de notre vase clos décisionnaire. Le gagnant faisait l’unanimité, comme le podium tout entier. Nous avions en quelque sorte gobichonné dans la même direction, ce qui n’était pas pour nous déplaire. L’épilogue de mon apprentissage se dessinait, et je ressentais la gratitude de m’avoir donné cette chance insoupçonnée. Je pouvais partir à l’apéritif l’esprit aéré, le corps rembourré et dans les yeux, le feu sacré. Merci pour ce moment.