Ce dimanche, j’étais accompagné d’une bande organisée, direction le fin fond du Pays basque afin d’aiguiser nos dentiers d’affamés. L’assemblée avait comme objectif de gobichonner les pigeons ramiers, que la douce période nous offrait. Cui cui. L’automobile lestée de nos corps rêvés, nous démarrions pour que l’apéritif puisse se licher à une heure décente. D’ailleurs, les sanglichons qui m’escortaient en avaient une bonne, de descente.
Nous étions attendus dans un lieu divin, se trouvant dans une zone où le réseau était aussi rare qu’une piste de ski en plein désert. Enfin je crois… Injoignable, le conducteur se devait d’être prudent à chaque virage, en sachant que les verres de Ricard ne seraient pas des mirages. Glou glou. Je n’ai pas envie de vous mentir, nous étions loin d’un romantisme vénitien, mais plutôt face à un orgasmique festin. D’ailleurs, le conducteur avalait les lacets avec un appétit démesuré, signe que le sapajou avait l’impatience des belles pitances. Derrière, les estomacs étaient brassés telle une bonne bière, et ne pas vomir était notre prière. Enfin arrivés, nous pouvions prendre d’assaut le bar tant vénéré.
J’avais opté pour un vin blanc sec, n’en ayant pas bu depuis la veille. Le jus de raisin m’ouvrait la gloutonnerie, et donc la voie de la raison. Les rondelles de chorizo de bœuf coupées par le patron, valaient toutes les cacahuètes du typique bar de pochtron. L’animal, débité de façon régulière, brillait sur son présentoir, qui était tout sauf une planche de salut. Nos cholestérols dansaient le rock’n’roll, et notre table attendait aussi bien dressée qu’un jeune majeur au réveil. Me sentant parfaitement en éveil, je préconisais que nous nous rapprochions de l’ébénisterie qui se languissait de recevoir nos miettes. À table nom d’une pipe en bois d’acajou.
À peine le temps d’aller lustrer les membres supérieurs aux toilettes, que le vin était déjà commandé par notre muletier du jour. Espérons que le bipède soit aussi à cheval sur la sécurité routière que sur le Sancerre. Étant éduqué, je goûtais. En ce qui concerne la collation, j’avais décidé de danser en entrée avec une belle truite nappée d’une coquine sauce au chorizo, qui inch’allah, n’allait pas finir sur mon polo. Si Christophe chantait Les Mots Bleus avec talent, ma suite serait la mastique de l’oiseau bleu. On me le promettait rôti, avec un plateau de frites aussi spacieux qu’un parking de covoiturage. Allons-y ma grande !
Ce dimanche, la nouveauté se présentait devant nos museaux. Je n’avais jamais embrassé une palombe servie dans une sorte de cocotte, baignant dans un liquide qui s’enflammait comme un exhibitionniste à l’approche d’une dune. Les flammes nécessitaient quasiment l’intervention des pompiers. Lorsque que le tenancier de la maison nous indiquait qu’elles étaient flambées, je lui rétorquais que même un aveugle pouvait le deviner. Nous allions donc ivrogner le digestif en mâchouillant notre déjeuner. Je vous salue Marie, pleine de grasse.
J’ai passé tout le temps de ma ripaille à observer cette tartine de pain, flottant dans les abysses de mon complexe balnéo avec l’œil du diable. Gober ce morceau de miche s’apparentait à se suicider. Il n’était pas nécessaire d’être un chien truffier pour sentir ce radeau imbibé de dangerosité. Cela faisait quelques minutes que chaque bouchée ressemblait à une tournée offerte par un débauché, et je n’étais pas encore sûr de vouloir recevoir l’Ostie, qui devant moi se présentait.
Figurez-vous qu’à un moment donné, sous le coup de l’émotion, j’ai ouvert ma boîte à dire pour gober une mouche, puis une forte teneur de cognac embauma alors ma bouche. Ce n’était pas un insecte, mais la boulange qui désinfecte.