Si certains n’attendent pas Noël pour voir pendre leurs boules, dieu merci ma trentaine me sauve encore de ce cas-là, et le sapin seul fera foi. L’arrivée des fêtes doit s’appréhender avec l’approche d’un sportif de haut niveau, sans rien laisser au hasard, même les plus petites choses semblants dérisoires. Tel un canard, avant la naissance de Jésus, nous connaissons notre destinée, à savoir se faire engraisser avec sourire et dignité. Mon ex femme n’était pas enceinte, et n’ayant pour ma part aucune contradiction médicale au biberon jovial, nous estimions avoir une chance de finir l’année crucifiés comme l’individu de Nazareth. Autant se préparer. D’ailleurs, il n’est pas rare de me surprendre en cette période à goûter différents vins, afin d’être disponible si le clergé veut des conseils sur le rouquin de messe. Je lui conseillerais seulement de s’ouvrir vers son prochain, qui aura de la fesse.
Afin de tenir ce futur marathon convivial, l’alimentation doit être en amont la poutre essentielle de votre maturation. Mon ex femme l’avait bien compris un jadis midi, avec une pitance maison qui avait du sens. La galopine m’avait demandé un peu tôt dans la matinée s’il nous restait un fond de flacon, m’inquiétant sur le coup pour ses gamma-GT. Je précise pour les gens ne buvant pas, que ce n’est pas une marque de bagnole à « tuner » avec un goût à chier, mais des enzymes hépatiques étant impliquées dans le métabolisme des acides aminés. Ma curiosité quand il s’agit de fricasse n’ayant pas de limite, me voilà rendu à interroger ma polissonne sur son idée, semblait t’elle vinifiée, mais assurément efficace. Lorsqu’elle me susurrait à l’oreille que j’allais consommer des longueurs épaisses, ma trombine avait changé de mine, avant que ma farceuse m’avouait que ces dernières seraient visitées par des Bolonais et leur richesse. Croyez-moi que mon soulagement de voyager dans le Nord-Est de l’Italie et non de mâchouiller du tutsi est grand ! En avant donc les sucres lents.
Pour une amoureuse de la pâte comme mon ex bien-aimée, concocter une bolognaise s’apparente à cultiver des tulipes pour un Hollandais. C’est une base à respecter et surtout, à maîtriser. La sacripante avait choisi pour l’occasion de la belle viande hachée, à faire durcir le boudin de votre boucher. La recette n’est pas la plus compliquée, mais la qualité des produits est comme dans un peloton cycliste, essentielle. D’ailleurs, l’odeur attrayante de la tomate embaumait notre appartement, qui lui, prenait un air de Dolce Vita sensoriel. Les Torteglioni, eux, se comportaient majestueusement dans leur jacuzzi brûlant, espace de détente pour ces cylindres gourmands. Chez nous, la cuisson était une question de discipline devant la minuterie et sa consigne. Mon ex femme aimait quand ça croquait sous la dent, et moi si cela n’était pas trop douloureux, voir son contentement.
Lorsque le four sonnait, c’était aussi profond qu’un Muezzin appelant à la prière. La seule différence notable était que l’électroménager ne craignait pas d’avoir la voix éraillée. Arrive alors l’heure de la bénédicité avec son espérance cantinière. Les finitions sont comme à la frontière, précises. La gredine saupoudrait le plat de parmigiano, comme pour nous apporter la neige qu’il tombe rarement ici. Son doigté était aussi juste que celui d’un pianiste, et sa concentration aussi franche qu’un pilote en bout de piste. Il était l’heure de l’appel à la gamelle, que je respecte grandement tel un parfait fidèle. Les écuelles étaient présentées fumantes devant nos binettes, avec le pouvoir d’embrumer les verres de ses lunettes. Mais pas d’affolement, ma vision était assez évidente pour connaître la qualité de mon cordon bleu, similaire à ce joueur de foot jouant pour les bleus, N’Bolo Kanté.