J’avais demandé en début de semaine à mon ex femme s’il était possible d’éviter de faire des féculents en guise de souper. En effet, je fais face quotidiennement à des turbulences gastriques, illustrées par des anticyclones odorants à faire fuir les meilleurs spécialistes météorologiques. J’appelle ça payer l’addition de mon addiction pour la bonne chair, surtout quand elle est efficace et pas chère.
En rentrant chez moi l’autre jour, j’entendais mon ventre déjà s’exprimer afin de revendiquer son incapacité à recevoir de lourds invités. Il était donc temps pour moi de m’approcher de mon ex dulcinée afin de crever l’abcès. J’apercevais sur mon chemin un bouquet de basilic trôner fièrement sur le plan de travail, attendant l’occasion unique de se faire offrir.
– « Ah, tomates mozza basilic ? »
– « Non, pâtes au Pesto. »
A vrai dire, c’était un tourbillon de sentiments qui m’inondait subitement, telles les plus belles crues de l’année. J’étais d’un côté un homme comblé par la proposition alléchante à souhait que je venais d’entendre, mais aussi inquiet pour le nez de mon ex bien-aimée. Comment allait-elle encore faire face à l’odeur de marée que j’allais en échange lui proposer. Il n’y avait déjà plus beaucoup de place dans ma panse, que mon devoir était de remplir encore davantage l’entonnoir. Bref, arrêtons de nous poser des questions et profitons simplement de ce futur plat passion.
Pour ceux qui ont l’habitude de me lire, je ne vous ferai pas découvrir la qualité de la cantine transalpine que confectionne ma ritale d’origine. Pour les autres, je peux simplement vous avouer que nous pouvons y mettre un coup de fourchette les yeux fermés. Mais d’ailleurs, approchez-vous et sentez !
Direction la région de Ligurie ce soir, afin de se délecter de la spécialité locale mêlant amour mixé verdoyant, et haleine aillée. Malgré son déficit de notoriété comparé à la bolognaise ou la carbonara, cette sauce herbacée est un incontournable des tables Italiennes depuis la fin du dix-neuvième siècle et l’utilisation du « Basilico Genovese ». Ainsi, je peux constater ma chance de pouvoir gobichonner un authentique de la botte, embaumant l’appartement la faute à la fainéante hotte. La fournée de Penne qui était à bouillir me faisait en même temps frémir de plaisir tout en ayant la crainte de ne pas pouvoir finir. La galopine avait fait des pâtes pour une famille de Mormon, soit environ une cousinade de trente personnes. Il flottait dans l’air ambiant de la fécule pour tout un régiment.
Les tubes d’une épaisse gourmandise étaient comme d’habitude « Al dente ». Ici, la pasta trop cuite est aussi impensable qu’un putois sente bon. Le léger croquant des sucres lents donne à nos dentitions la valeur de l’instant présent. Plus la becquée se faisait, et plus nos bouches refoulaient la gousse tant aimée. Lorsque je louchais sur mon assiette qui se vidait, je voyais uniquement le vert à moitié plein ainsi que le verre que j’allais devoir pitancher pour atténuer la sapidité de la plante potagère sur mon palais. Je devais avouer à ce moment-là à ma cantinière que c’était bon et puissant. Comme quoi de temps en temps les rôles sont inversés !
Je n’allais définitivement jamais pouvoir laisser ma ceinture abdominale en paix. La ration que je venais de joyeusement gober allait se blottir toute la nuit contre mon gésier, avant de prendre la poudre d’escampette au petit matin par le tourbillon des toilettes. Assurément, le plaisir gustatif prend une grande place dans mon idéal de vie, témoin d’un sincère partage dont je ne serai jamais rassasié. Et puis, j’ai confiance en mon ex concubine pour me mettre de temps en temps au vert comme ce soir. Croyez-moi que je rejoindrai celui-là toujours illico pesto.
